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Selon les données de l’organisme de recensement international World Population Review en septembre 2022, le Japon possède la deuxième espérance de vie la plus élevée au monde. Battus de peu par Hong Kong qui arrive en tête, les Japonais vivent en moyenne 84,67 ans. Savons-nous pourquoi ? La réponse se trouve-t-elle dans l’alimentation, les pratiques sociales, le sport, la génétique, ou une combinaison de tous ces facteurs ?
Le mystère d’Okinawa
Dans la campagne, au nord de l’île principale d’Okinawa, se trouve un village de 3 000 habitants appelé Ogimi. On connaît les statistiques de longévité impressionnantes du Japon, mais un phénomène fascinant semble s’y produire. Au dernier recensement, il comptait 15 centenaires et 171 nonagénaires. Dan Buettner, auteur à succès du New York Times et explorateur pour le magazine National Geographic, appelle cette région une « zone bleue », l’un des cinq lieux de la planète où l’on vit le plus longtemps et le plus heureux. Qu’est-ce qu’Okinawa, et le Japon en général, peuvent-ils nous enseigner sur le secret d’une vie longue et en bonne santé ? Après tout, les personnes qui y vivent ont été confrontées aux mêmes épreuves que les habitants du reste du monde : guerres, difficultés familiales, chagrin, perte ou problèmes financiers. Ils subissent les mêmes pressions que nous. Alors, que pouvons-nous apprendre d’eux ?
Dix raisons pour lesquelles les Japonais vivent longtemps et en bonne santé
1. La génétique
Craig Willcox, professeur de santé publique et de gérontologie à l’université internationale d’Okinawa, étudie la longévité à Okinawa depuis près de cinquante ans. Il est également co-chercheur principal de l’étude sur les centenaires à Okinawa. Dans le cadre de celle-ci, il a rencontré plus de 1 000 centenaires et des centaines de septuagénaires, octogénaires et nonagénaires afin d’essayer de comprendre ce phénomène de santé observé à Okinawa. L’étude recherche des points communs au niveau de l’alimentation, des habitudes en matière d’exercice, de la génétique, des pratiques psychologiques et spirituelles, ainsi que des schémas sociaux et comportementaux. D’après les conclusions du professeur Craig Willcox, « pour environ deux tiers, la longévité [des habitants d’Okinawa] est liée à l’alimentation et au mode de vie, le reste est dû à la génétique. »
2. Les aliments nourrissants
Il ne faut pas sous-estimer l’importance de l’alimentation comme moyen de rester en bonne santé. Nous avons besoin de vitamines et de minéraux pour lutter contre les maladies et les infections, ainsi que d’un régime limité en calories pour prévenir l’obésité et l’inflammation. Le régime Okinawa préconise plus que les cinq portions de fruits et légumes recommandées par jour, et privilégie les plats de poisson bons pour le cœur plutôt que la viande. Riches en nutriments et peu caloriques, les patates douces remplacent le riz comme aliment de base. Les produits de la mer riches en caroténoïdes, comme les algues et les légumes verts à feuilles à haute teneur en fer, contribuent à réduire l’inflammation et le stress oxydant.
3. Le thé matcha et ses bienfaits
Au Japon, on boit énormément de thé, en particulier du thé matcha, qui gagne en popularité en Occident. Nous commençons en effet à mieux comprendre ses propriétés nutritionnelles et ses vertus antioxydantes, alors qu’il semble que les Japonais les connaissent depuis des siècles. Le secret de cette boisson ancienne réside dans sa fabrication. Les jeunes pousses du théier sont privées de la lumière du soleil au fur et à mesure de la croissance de l’arbre pour préserver leur teneur en chlorophylle et en antioxydants. Les Japonais boivent du thé plusieurs fois par jour et les cérémonies du thé traditionnelles se pratiquent depuis plus de 1 000 ans dans le pays.
4. Une alimentation peu sucrée
La cuisine japonaise se base davantage sur les mets salés que sucrés. Bien sûr, les Japonais mangent eux aussi des desserts, mais simplement en moins grande quantité que dans le monde occidental. Dans l’ensemble du pays, on consomme peu de sucre et d’aliments tels que les pommes de terre blanches, riches en amidons naturels. En plus du thé matcha, les Japonais boivent beaucoup de thé vert, sans le sucre et le lait souvent utilisés pour aromatiser le thé noir. La présence moindre de sucre dans leur alimentation entraîne une diminution des taux d’obésité et des effets négatifs connus du sucre, comme l’inflammation, une tension artérielle plus élevée et le diabète, tous associés à un risque accru de crise cardiaque et d’AVC.
5. Hara hachi bu : manger avec modération
La quantité est synonyme de qualité dans une grande partie du monde. Au Japon, la culture alimentaire est plus contrôlée quant à la taille des portions. La pratique appelée Hara hachi bu consiste à manger avec modération et à s’arrêter lorsque l’on se sent repu à environ 80 %. Les repas ne se limitent pas à ingurgiter de la nourriture. Ils incluent des aspects comme la socialisation et le partage de toute l’expérience alimentaire avec les autres. Ils représentent un moment d’échange et de réflexion, plutôt que de gloutonnerie. Les habitudes culturelles ont la vie dure. Toutefois, le monde occidental peut opérer de petits changements pour atteindre le Hara hachi bu, tels que manger plus lentement, être plus conscient de chaque bouchée et réduire la taille des assiettes afin que de plus petites portions offrent une plus grande sensation de satiété. Comme notre cerveau met environ 20 minutes à nous envoyer le signal que nous sommes repus, cette pratique est un bon rappel pour arrêter de manger avant de se sentir obligé de le faire.
6. La santé
Il y a environ 50 ans, le gouvernement japonais a largement développé sa politique de santé. Il a investi dans des programmes de vaccination infantile pour combattre les maladies à l’âge adulte et a introduit l’assurance santé universelle en 1961. L’accès à la santé égal et universel pour tous est financé par le gouvernement, les employeurs et les individus. Les examens de santé réguliers sont la norme, tout comme les dépistages de masse menés par les autorités gouvernementales locales dans les écoles et sur les lieux de travail. Le secteur privé témoigne lui aussi son intérêt pour la santé. À Matsumoto, deuxième plus grande ville de la préfecture de Nagano, une banque a même commencé à offrir des taux d’intérêt plus élevés et des avantages incitatifs, comme des week-ends au parc Disneyland de Tokyo, aux personnes qui effectuaient un examen de santé pendant trois années consécutives.
7. L’importance de l’ikigai : le but de la vie
L’ikigai est le concept qui consiste à trouver le sens de sa vie et à le préserver. On pourrait traduire cette philosophie ancienne, similaire à la « joie de vivre » en France ou au « hygge » au Danemark, par « sa raison de vivre ». Au sein d’une population vieillissante comme celle d’Okinawa, on confie à la population plus âgée des tâches comme le basho-fu, le tissage de tissus à partir de fibres de bananier de la région. Elle reste ainsi active et mentalement impliquée, génère un revenu et contribue à l’économie du village. Les Japonais considèrent qu’avoir un but est essentiel pour s’épanouir et que l’on peut le trouver dans de nombreux aspects de sa vie, comme le fait de bien se nourrir, d’aider les autres ou de vivre entouré de ses amis et de sa famille.
8. Les groupes de soutien Moai
Ce système de soutien japonais réunit des personnes ayant les mêmes centres d’intérêt afin d’encourager le développement de liens et de connexions émotionnelles profondes. Appelés moai, ces groupes peuvent être formés par de vieux amis, d’anciens collègues ou tout simplement par des individus partageant un intérêt pour le même loisir ou le même jeu. Il est courant d’appartenir à plusieurs moai différents, et même s’ils offrent des bienfaits évidents pour les plus âgés, ils sont accessibles à tous les âges. La fidélité des Japonais à leur moai, auquel ils appartiennent parfois depuis l’école, est ancrée dans la culture. Le fait de discuter et d’apprécier des choses qui vous intéressent en compagnie de personnes qui ressentent la même chose aide à soulager le stress et à combattre la solitude qui peut survenir pendant la vieillesse.
9. Le sport
Le Japon est un pays très actif, et certains citoyens continuent à faire du sport même lorsqu’ils sont âgés. Les sentiers de marche autour des villes et des parcs sont nombreux. Partout dans le pays, des clubs municipaux et des associations de quartier organisent des promenades en groupe. D’un point de vue culturel, en moyenne, les Japonais se déplacent plus en transports en commun qu’en voiture. Le pays présente donc naturellement un niveau plus élevé d’activité physique.
10. La pleine conscience et le soulagement du stress
Les Japonais connaissent bien le concept de pleine conscience et les bienfaits de l’harmonie avec la nature. La sylvothérapie, ou Shinrin-yoku en japonais, devient de plus en plus populaire à travers le monde. Née au Japon dans les années 1980, il s’agissait à l’origine d’un exercice physiologique et psychologique pour aider à se détendre et à s’ancrer. La sylvothérapie est une pratique simple qui consiste à rester calme et silencieux parmi les arbres, à observer la nature et à respirer profondément pour réduire le niveau de stress et stimuler naturellement la santé et le bien-être. Le pays compte près de 4 830 kilomètres de forêts naturelles et le gouvernement japonais encourage activement les citoyens à utiliser les arbres comme thérapie.
Nous voulons tous connaître le secret de la jeunesse éternelle. Mais lorsque l’on regarde le Japon, il n’y a peut-être pas de secret après tout. Certes, la génétique peut jouer un rôle. Toutefois, il existe des signes évidents qui montrent que prendre soin de son corps, faire travailler son esprit et interagir avec les autres peuvent être les meilleures activités à pratiquer pour vivre longtemps et en bonne santé.